jueves, 31 de mayo de 2012

Le MAS fait des émules en Colombie

En la foto Carlos García: «Nous voulons consolider un mouvement social et politique, unitaire et démocratique.»
J.-P. DI SILVESTRO
SOCIAL/POLITIQUE • Mille sept cents organisations sociales de Colombie se sont unies afin de créer, comme en Bolivie, un instrument politique. Explications de Carlos García.


Grève des étudiants, Minga indigène, mobilisations pacifistes, le mouvement social colombien connaît un regain de vitalité. Il y a un mois, plusieurs dizaines de milliers de personnes défilaient à nouveau à Bogota, cette fois pour fêter la naissance officielle de la Marche patriotique. Issue des mobilisations populaires du bicentenaire des indépendances latino-américaines en 2010, cette constellation de 1700 associations tente de fédérer la Colombie d’en bas autour d’un programme social et politique commun.

Les plus de 4000 délégués au premier Congrès, dont le journaliste Carlos Lozano Guillén ou l’ex-sénatrice Piedad Córdoba, ont fixé comme priorités la recherche d’une paix juste, la réforme agraire et l’accès à la santé, au travail décent et à l’éducation pour tous. Elu à la direction collégiale de la Marche, le défenseur des droits humains Carlos Arturo García Marulanda réalise en ce moment une tournée de présentation en Europe. Le Courrier l’a rencontré.

Les mouvements politiques de gauche ne manquent pas en Colombie. Qu’est-ce qui a motivé la fondation de la Marche patriotique?
Carlos García: Notre mouvement est né de la mobilisation populaire à l’occasion du Bicentenaire des indépendances en 2010. Il nous a semblé qu’il était temps que ce type de rassemblements occasionnels débouche sur une articulation durable. Une telle unité peut en particulier donner du poids aux acteurs sociaux les plus marginalisés du pays. D’autant plus si cette fédération se réalise depuis la base, rassemblant «toutes les révoltes» comme le dit notre Constitution.
A terme, l’objectif est de consolider un mouvement social et politique, unitaire et démocratique, avec la perspective de construire le pouvoir populaire, de devenir une alternative politique pour la Colombie.

Concrètement, comment allez-vous construire ce «pouvoir populaire»? Allez-vous vous présenter aux élections?
Pour l’instant pas. Nous sommes un point de convergence, de débats, d’unité d’action. Notre premier grand mouvement sera une grève civique et populaire contre la politique du gouvernement. Nous rejetons notamment ses projets de démantèlement des retraites et ses réformes du travail et de la fiscalité. Cela dit, dans un futur plus lointain, nous n’excluons aucun mode d’action, même parlementaire.

Le Pôle démocratique alternatif, principal parti de gauche, est en crise. La Marche patriotique ne vise-t-elle pas à s’y substituer?

Non. Nous partageons de nombreuses idées avec le Pôle. Mais c’est un parti classique, électoral, tandis que notre objectif est social et politique. Nous avons invité le Pôle à définir avec nous un agenda commun. Mais, pour l’heure, il demeure à l’écart. De même que nous souhaitons construire avec d’autres initiatives populaires, telles que le Congrès des peuples ou la Coordination des mouvements sociaux, un nouveau bloc social capable de transformer enfin la réalité colombienne.

Qui participe à la Marche?
Nous avons actuellement 1700 membres collectifs de tous les horizons: indigènes, paysans, étudiants, travailleurs, afro-descendants, bref tous les secteurs qui voient leurs droits bafoués par les politiques du gouvernement de Juan Manuel Santos. Participent également des organisations politiques, comme le Parti communiste ou Gauche libérale (scission du Parti libéral, ndlr), des médias, des défenseurs des droits humains... Aujourd’hui, le secteur agraire est certes le mieux représenté mais les milieux urbains montrent un intérêt croissant.

Peut-on dire que le Mouvement vers le socialisme (MAS), créé en Bolivie par Evo Morales, est votre modèle?
Il y des ressemblances. Lui aussi naît d’une convergence de mouvements sociaux désireux de créer un organe politique. Mais, contrairement à la Marche, le MAS a une forte prédominance indigène.

Comment organisez-vous des secteurs si nombreux et différents?
Le Congrès, où toutes les organisations membres étaient représentées égalitairement, a formalisé des instances nationales et régionales. Nous mettons aussi sur pied des «Cabildos», assemblées thématiques ou sectorielles, qui proposent et coordonnent des actions communes à la base. En fait, notre fonctionnement est le produit des expériences de lutte de ces derniers années, c’est pourquoi il se veut le plus horizontal possible. Les décisions se prennent par consensus.

Qu’est-ce qui vous rassemble par-dessus tout?
Je dirais la recherche d’une paix juste. La conviction que la paix n’est pas seulement l’absence de guerre, mais la réponse aux causes de la violence. La paix c’est la justice sociale et l’éducation. Nous considérons, par conséquent, que cet objectif de paix et celui de construire une alternative sociale et économique sont un seul et même but.

Votre nom, Marche patriotique, rappelle immanquablement Union patriotique (UP), mouvement de gauche exterminé par les paramilitaires à la fin des années 1980. Est-ce volontaire?

Non, ce sont deux processus différents à des moments très différents. L’UP était issue des accords de paix entre la guérilla et le gouvernement. Nous, nous surgissons d’en bas, de la volonté des organisations sociales.

Le gouvernement nous a publiquement assimilés aux FARC (la principale guérilla communiste, ndlr), c’est de la propagande. En Colombie, dès qu’un mouvement s’oppose au pouvoir, il est stigmatisé de cette façon. C’est grave, et nous l’avons dénoncé internationalement, car ces accusations conduisent toujours à des arrestations, à des disparition ou à des assassinats. Marche patriotique déplore déjà un mort et deux disparus parmi ses dirigeants. Mais nous avons la ferme volonté de ne pas subir le même sort que l’UP. Les garanties démocratiques sont au coeur de notre projet, qui compte un grand nombre de militants des droits humains.

Quels chemin proposez-vous vers la paix?

Nous devons prendre en compte que le mouvement insurgé a donné des signes clairs en faveur du dialogue politique. Son initiative de paix n’exclut pas de revenir à l’agenda du Caguan (processus de paix encadré par la société civile et la communauté internationale, avorté il y a dix ans, ndlr) sans poser, cette fois, de conditions en termes de zone démilitarisée. C’est un pas important vers le gouvernement. Tout comme les libérations unilatérales de
prisonniers.

Aujourd’hui, il y a une unanimité du mouvement social pour privilégier une solution politique au conflit et demander la reprise des discussions. Marche patriotique peut devenir l’instrument de cette volonté populaire afin d’amener le gouvernement à une table de négociations ouverte à la société civile. I

En la foto Carlos García: «Nous voulons consolider un mouvement social et politique, unitaire et démocratique.»
J.-P. DI SILVESTRO




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